Homoalpinus

Alps - Alpes - Alpi - Alpen - Alpe

Perspectives

Quelle place les Alpes peuvent-elles occuper au sein de l’Europe, l’identité alpine est-elle suffisamment forte pour leur permettre de s’auto suffire, ou doivent-elles appartenir à des espaces économiques et politiques plus vastes ?

Voici quelques propositions visant à répondre à ces interrogations et tracer l’esquisse d’un devenir possible pour la plus vaste chaine d’Europe.

Une identité culturelle alpine ?

Le géographe italien Fabrizio Bartaletti considère que, nonobstant les différences d'ordre géographiques et linguistiques, les modèles d'habitat alpin et les institutions sociales historiques dénotent l'existence d'une culture sensiblement homogène. L’organisation et le développement des territoires ont des constantes et peuvent conduire à la prise de conscience d'une appartenance commune à une identité alpine dont la caractéristique fondamentale est l'unité dans l'articulation des différentes langues et cultures.
Si, par conséquent, les populations alpines sont en mesure d'exploiter une plate-forme commune, plutôt que des initiatives isolées, et de renforcer les contacts interculturels, elles pourront agir comme interlocuteur privilégié face aux six grands États nationaux.

De son côté le géographe Bernard Debarbieux nous met en garde : faire des prévisions est un exercice délicat surtout en ce qui concerne l'avenir.

Alternatives extrêmes

Les sociétés alpines sont très hétérogènes. Chaque région est différente de l'autre. Ceci est vrai au sein de la même région ou les intérêts et les visions de l'avenir ne sont pas homogènes. Au milieu du XXe siècle, l'arrivée de nouvelles populations est à l'origine de cette situation qui provoquera de nombreux conflits entre les partisans de modèles contradictoires sur la base de représentations des Alpes et de leur avenir sensiblement divergents.

1) l'option fonctionnaliste et sectorielle dans laquelle les régions alpines continueront d'être prises entre des modèles de vie et de développement concurrents. Dans ce cas, elles seront soumises à des pressions contradictoires découlant des contraintes extérieures : passage de plus en plus facilité de l'espace alpin, pression constante pour un retour sur investissement de capitaux extérieurs dédié au tourisme, pressions tout aussi importantes pour la protection de secteurs entiers, pressions probables pour de nouvelles allocations de crédits, etc.
2) l'option territoriale où les sociétés locales se mettraient d'accord sur un modèle de croissance qui assurerait une plus grande cohésion entre leurs territoires. Ces dispositions seraient en mesure de faire correspondre les objectifs et les modalités du développement durable. Ce dernier pourrait être largement basé sur une combinaison d'activités économiques fondées sur la création de produits de qualité et de gestion d'actifs de l'environnement et du patrimoine. La réalisation d'un parc naturel régional constitue un exemple concret de cette optimisation de l'espace local.

Quel avenir pour les Alpes ? (Werner Bätzing)

Le développement durable dans l’arc alpin 

En Allemand, nachhaltige Entwicklung signifie, développement continu, 
mode de vie, d’économie et de mise en valeur qui doit s’étendre sur une longue période et donc être pratiqué et vécu pendant plusieurs générations.


Cela implique aux différents niveaux suivants :
-L’environnement : la reproduction écologique doit être assurée
.
-La société et la culture : garantir le maintien de valeurs stables inattaquables de l’intérieur ou de l’extérieur.

-L’économie : assurer la sécurité matérielle de l’existence

Que signifie le concept de durabilité ?

-Le concept de durabilité est difficile à cerner.

Ex. : l’exploitation durable de la forêt est possible que si l’on n'abat pas tous les arbres en même temps, mais seulement le surcroît annuel, de manière à ce qu’elle puisse être utilisée durablement ; on doit vivre sur les intérêts pas sur le capital. Mais dans l’économie agraire qui est un produit culturel, le renouvellement permanent, implique que l’on ne puisse raisonner comme pour l’exploitation forestière.
Ce concept ne signifie pas la même chose selon que l’on est français, allemand ou Suisse. On ne peut donc envisager l’avenir des Alpes uniquement sous l’aspect de la durabilité

Deux points de vue opposés : ville + nature sauvage ou campagne sans ville

1/ ville + nature sauvage
Les Alpes sont elles inutiles économiquement ? Espace de loisirs périmé supplanté par des infrastructures totalement artificielles (promenades, murs d’escalade, etc.) près des villes desservies par des transports efficaces.
Le principe réside dans une mise en valeur de petites surfaces hyper favorisées permettant la vie économique dans les villes ou à proximité. La nature serait soulagée sur de vastes superficies tandis que l’homme pourrait garder un lien avec la nature « libre ». Concentration urbaine et monde sauvage représenteraient un idéal de durabilité.
2/ Campagne sans villes
À l’opposé : l’homme peut se dispenser de la ville. Les concentrations de mises en valeur par les hommes, les divisions et spécialisations du travail génèrent des perturbations quant à l’environnement. Les Alpes devraient devenir un espace de vie sans concentration urbaine, une économie de subsistance diffuse dans des espaces essentiellement ruraux.

Une troisième voie ?

Ces deux positions extrêmes ne s’avèrent viables ni l’une ni l’autre. Elles signifient l’une comme l’autre appauvrissement. La solution réside vraisemblablement dans la complémentarité entre ville et campagne.

Où en est-on actuellement ?

- Un postulat pragmatique

Les Alpes seraient incorporées dans des macrorégions européennes, au croisement des deux axes majeurs de développement, respectivement la Banane Bleue (Axe Lotharingien) et l'Arc Latin, et se déployant autour de grandes agglomérations. Une politique alpine spécifique n’a plus vraiment de raison d’être. Ce point de vue est défendu par de nombreux hommes politiques européens. La construction de longs tunnels (par exemple en Suisse) destinés à relier les régions alpines aux grandes agglomérations illustre bien cette tendance.

- Une position défensive

Liée à un refus de la globalisation, elle implique un développement durable qui ne peut se concevoir qu’à une échelle régionale. Cette position, minoritaire, trouve parfois un écho auprès des opinions populistes, la résistance à toute mutation allant de pair avec la revalorisation nationale. La notion d’identité alpine s’efface devant la notion d’identité nationale.

Conclusion de Werner Bätzing

Aucune des deux solutions ne représente une perspective de développement durable pour les Alpes.
Problèmes posés par la modernisation forcée
Les Alpes sont considérées comme un espace complémentaire des grandes villes. Si l’on se place dans l’optique de la grande ville, face à sa propre puissance économique, le domaine alpin semble superflu. Cependant, c’est un espace de compensation écologique que la métropole ne peut offrir : habitat, aire de repos, réserve d’eau à usage domestique. Cependant ces fonctions restent très individualisées, très compartimentées, de sorte que chaque espace est cantonné à une seule affectation, et qu’il n’existe pas d’interpénétration entre les espaces.
Or, les expériences retenues de la société agraire montrent que le développement n’est possible que dans une démarche multifonctionnelle : l’espace doit être simultanément un espace de vie, d’économie, de détente et de nature. L’utilisateur se sent concerné par les incidences des activités les unes par rapport aux autres et, en particulier, sur la nature.
Problèmes posés par le refus de modernisation
Un repli des Alpes sur elles-mêmes risque de les priver du pouvoir des centres décisionnaires mettant en danger d’innombrables emplois et par conséquent l’existence même des Alpes.
Le rejet de la globalisation (souvent groupes populistes d’extrême droite) implique que tout ce qui vient de l’extérieur est mauvais et ce qui vient de l’intérieur est en revanche bon. Cette vision manichéenne ne suffit pas à définir la problématique des Alpes. Il existe des éléments positifs et négatifs dans chaque activité économique alpine. Le tourisme par exemple n’est pas ni bon ni mauvais.

La double mise en valeur équilibrée (Ausgewogene Doppelnutzung)

Pour sortir de ces deux positions extrêmes, Werner Bätzing évoque l'idée de la double mise en valeur équilibrée (Ausgewogene Doppelnutzung). Pour envisager un futur durable pour les Alpes, il faut, d'une part, ne pas se couper de l'Europe et ne pas sombrer dans la dépendance vis-à-vis des grandes villes et de l'autre se concentrer sur un espace de vie et d'économie ayant un certain degré d'originalité qui puise son propre rapport à l'environnement, à l’économie et au cadre de vie.

Il faut donc organiser la production de façon à garantir un équilibre écologique. Dans ce cadre il semble essentiel de ne pas dissocier l'homme et la nature pour ensuite vouloir, à posteriori, les reunir à nouveau par des mesures correctives.

Perspectives-Références bibliographiques