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Homoalpinus

RAOUL BLANCHARD

Né à Orléans le 4 septembre 1877, mort le 24 mars 1965 à Paris.

Il fit ses études à Orléans, puis au lycée Louis-le-Grand et à l'école normale de la rue d’Ulm ou il fut l'élève du fondateur de l'école française de géographie Paul Vidal de la Blache de 1897 à 1900. Agrégé en 1900, il s'installa dans le nord de la France. D’abord professeur au lycée de Douai, puis au lycée Faidherbe de Lille, il soutint en 1906 une thèse consacrée à La Flandre.

Il débarqua à l'automne 1906 à Grenoble avec une faible expérience des Alpes et de la montagne qu'il décrira lui-même avec le sentiment d'être « homme des plaines, je me sentais un peu désarmé devant les Alpes. J’étais prêt à les aimer ; que dis-je, je les aimais déjà, mais je ne les comprenais guère ». La même année il fonda l'institut de géographie alpine de Grenoble ainsi que la revue de géographie alpine qu'il dirigea pendant 35 ans. Le premier fascicule parut le 1er janvier 1913.

En adéquation avec la nouvelle conception de la géographie de Vidal de la Blache, il identifie les Alpes françaises à une région naturelle en s'engageant même dans le projet de création d’une région économique des Alpes ayant Grenoble comme capitale.

Il enseigna également aux États-Unis, à Harvard, entre 1922 et 1936, et au Canada, à Montréal, à partir de 1929 et publia 5 volumes sur le Canada français entre 1935 et 1952. Il est considéré comme le père de la géographie moderne au Québec.

Introduction à la division des Alpes françaises

Pour bien appréhender la division des Alpes françaises, il ne faut pas perdre de vue que Blanchard les considère d'abord et avant tout une « région naturelle ». Sa méthode s'inspire de la géographie régionale vidalienne. La délimitation de la chaîne se base sur des critères géologiques et topographiques ; la limite entre Alpes du Nord et Alpes du Sud correspond à une limite climatique.

Il délimite donc, mais, dénomme, cartographie et caractérise aussi les différents massifs selon leurs critères spécifiquement géographiques, d'essence naturaliste. Chaque composante naturelle correspond à un genre de vie, ou "l'homo-alpinus" a su de façon ingénueuse trouver au fil des temps un équilibre écologique.

Ainsi les massifs préalpins et les vallées intra-alpines, sont découpés méthodiquement en petites unités naturelles, essentiellement morphologiques, qui s'appuient sur les lignes de partage des eaux et les escarpements qui entoure la montagne. Blanchard leur donne des noms empruntés à la toponymie vernaculaire des populations alpines, puisant passionnément le lexique des noms de pays. En outre, on constate que ces noms ne sont pas nécessairement liés au plus haut sommet. Il s'oppose à un découpage basé selon les logiques anciennes, administratives, historiques ou modernes.
L'étude s'articule autour des questions de frontières naturelles, de la cohésion à l'intérieur de celles-ci et par conséquent de la singularité de chaque entité dans une représentation harmonieuse de l'Homme avec la nature.
Le terme frontière est utilisé quand il s'agit précisément de mettre en relief l'unité intérieure des massifs. (voir Anne Sgard 2006)

Voici sa propre description :

Les régions naturelles (Les Alpes françaises-Raoul Blanchard. Ed.Armand Colin)

L'étude des phénomènes d'ensemble a tout au long accusé le contraste, dans les Alpes françaises, entre les montagnes du Nord et celles du Sud.

Au Nord, la structure est simple ; le relief se distribue en grandes unités régulières; les formes glaciaires, résultant de l'immense extension des glaciers quaternaires, marquent de leur empreinte toutes les vallées, tous les massifs. Le réseau hydrographique, avec son système de captures, indique un stade déjà avancé d'évolution ; les Alpes du Nord sont des montagnes mûres, profondément et finement sculptées, donc pénétrables. Leur climat, leur végétation sont de type océanique ; l'humidité abondante et bien répartie au cours de l'année y assure un magnifique développement des forêts, des prairies, des cultures. Par suite, l'agriculture, l'élevage sont florissants ; l'industrie, grâce à l'utilisation de la houille blanche, est en pleine prospérité ; les voies de communication sont nombreuses, et le trafic international les utilise. La population est donc assez abondante, bien que dispersée.

Au Sud, la structure est plus complexe; les contrastes de nature des roches sont plus violents. Le relief est donc plus heurté, moins simple. En dépit de l'activité torrentielle, l'évolution de ce relief est moins avancée ; la montagne est moins ouverte, moins pénétrable. La sécheresse du climat nuit à la végétation; la forêt, la prairie sont plus rabougries, plus difficiles à reconstituer lorsqu'elles ont été ruinées ; les torrents sont plus irréguliers, moins utilisables. L'homme trouve ici moins de ressources ; la population est donc peu nombreuse, et ses types d'habitat sont différents de ceux du Nord.

Cette dissemblance entre Nord et Sud, qui se retrouve obstinément dans tous les traits géographiques, doit donc être la clé d'une division des Alpes en régions naturelles. Il ne faut plus songer, comme on le faisait autrefois, à distinguer Alpes de Savoie, du Dauphiné et de Provence ; ces divisions sont fondées uniquement sur des groupements historiques dont les limites ont d'ailleurs souvent varié ; elles avaient l'inconvénient de séparer les unes des autres des régions tout à fait identiques, tandis qu'elles groupaient dans une même rubrique des pays entièrement différents et qui ne veulent plus être réunis. De même une division conçue en fonction des grandes zones longitudinales, d'ordre géologique, dont est formée la chaine, a le tort grave de réunir, du Nord au Sud, des régions par ailleurs très différentes les unes des autres. La distinction qui nous paraît donc fondamentale, dans les Alpes françaises, c'est celle qui oppose le groupe des régions naturelles du Nord à celui des régions naturelles du Sud, de chaque côté d'une ligne séparant le bassin de l'Isère de ceux de la Drôme et de la Durance.

Mais dans chacun de ces deux groupes, nous retrouverons des régions naturelles symétriques, sinon semblables. Aux Préalpes, au Sillon alpin, aux massifs centraux, à la zone intra-alpine du Nord, correspondent au Sud d'autres Préalpes, les vallées méso-alpines, des massifs centraux, une zone intra-alpine. Nous ne manquerons pas, en étudiant séparément chacune de ces unités de mettre en valeur les ressemblances et les dissemblances qu'elles présentent à l'égard de celles qui leur font suite de l'autre côté de la chaîne.

Sur les noms des régions naturelles des Alpes françaises par Raoul Blanchard.

« Nous n'avons fait que préciser, pour les Alpes du Nord, une division qui était tacitement acceptée : chaînes extérieures, grande dépression qui circule tout au long derrière elles, zones des grands massifs d'origine ancienne qui se dressent au-dessus de la dépression. Il n'y avait un peu d'hésitation qu'à propos des montagnes qui s'étendent entre ces massifs et les crêtes-frontière; on était parfois tenté de les subdiviser suivant des traits géologiques auxquels les phénomènes géographiques ne s'adaptaient qu'imparfaitement. Nous avons pris le parti de bloquer cet ensemble en une seule division, dans laquelle les conditions de climat, d'hydrographie, de végétation, et après eux toutes les caractéristiques anthropo-géographiques, concordent remarquablement.

Pour les Alpes du Sud, beaucoup moins visitées, beaucoup moins étudiées, le problème était moins déblayé, et nous avons eu à faire œuvre plus personnelle. Nous avons pu y suivre la continuation des quatre grandes divisions du Nord, tantôt avec évidence, tantôt avec moins d'aisance, eu égard aux caprices d'une tectonique et d'un relief plus compliqués. La zone intérieure se retrouvait en arrière des massifs anciens, les chaînes extérieures sur le rebord occidental et méridional. Mais dans la rangée un instant défaillante des massifs anciens, il nous a fallu incorporer ici des montagnes dues à une tectonique différente et formées de roches dont l'âge et le faciès ne sont pas du tout ceux des massifs qui continuent l'alignement de la zone au Nord et au Sud-Est.

Enfin la zone qui continue dans les Alpes du Sud la grande dépression du Nord ne ressemble pas du tout à celle-ci, puis que la tectonique de dômes et de cuvettes qui règne ici à l'extérieur de la rangée des massifs centraux a donné au relief une allure plus transversale que longitudinale, celle de vallées et de crêtes s'irradiant des massifs centraux vers l'extérieur de la chaîne. Du moins il y avait là des conditions géographiques très originales, et nous n'avons pas hésité à grouper les parties de la chaîne soumises à ces conditions en une région, ou plutôt un groupe de régions naturelles. »

Bibliographie


CARTOGRAPHIE

 
LES RÉGIONS NATURELLES DES ALPES FRANÇAISES
Superficie comprise entre 33000 et 35000 km² suivant les limites
Noms des régions naturelles
Superficie
Altitude moyenne
Travaux de 1919
Limites
Point
Culminant

LES ALPES FRANÇAISES DU NORD (ALPES DU NORD)

16565 km² (sans sillon alpin)
Altitude moyenne 1 525 m

 

Préalpes françaises du nord
3640,3 km²
Altiude moyenne 1210 m
Frange extérieure du massif alpin du lac Léman jusqu'au sud du Vercors
Roches majoritairement d'âge secondaire (mésozoîque) jurassique supérieur et crétacé
 
6 massifs préalpins du Nord

Superficies dans : les Alpes occidentales 12 volumes 1938-1956

Altitude moyenne des régions naturelles des Alpes françaises 1919
(avec superficies)

   
Le Chablais (français)

648 km2

1 343 m
Bassin de la Dranse (superficie 493,7 km2)

1 372 m
avec le bassin du Giffre 942,3 km2

Bassin de la Dranse en amont de la confluence du Brevon, bassin de la Menoge en amont du Pont Morand ainsi que le haut bassin du Foron de Bogève, celui du Risse en amont de Saint Jeoire, les plateaux du Praz de Lys et des Gets

Hautforts
2 466 m

Massif du Giffre

362 km2

1 404 m
Bassin du Giffre
(superficie 448,6 km2)

Bassin en amont de Marignier
entre la limite méridionale du Chablais et la rive droite de l'Arve

Mont du Buet
3 096 m

Massif des Bornes-Aravis
(Genevois : terme utilisé par les pionniers géologues car une partie de ces montagnes était d'obédience de l'ancienne province de ce nom)
 

1 274 m
(superficie 625 km2)

Bassins du Foron de Scionzier, du Bronze, du Borne, de la Fillière supérieure, du Fier en amont de Dingy, des ruisseaux de Montmin et de Menthon, de la Chaise

Pointe Percée
2 750 m

Les Bauges

495 km2

1 034 m
(superficie 602,3 km2)

Les bassins du lac d'Annecy (rive gauche), du Chéran en amont du Pont de l'Abime, de la Leisse en amont des gorges de la Guillotière

Pointe d'Arcalod
2 217 m

La Chartreuse
(Grande Chartreuse)

353 km2

1 033 m
(superficie 316 km2)

Montagnes des bassins de l'Albane, de l'Hières, du Guiers-Vif, du Guiers-Mort, la rive droite du Grésivaudan au-dessus de 500 mètres, le bassin de la Vence en amont de La Monta, la rive droite de la cluse de Grenoble au-dessus de 500 mètres

Chamechaude
2 082 m

Le Vercors

950 km2
63 km de long
40 km de large (au sud)

1 216 m
(superficie 955,6 km2)

Les bassins du Furon en amont de la Saulne, des ruisseaux de Noyarey et Veurey, de la Drevenne au-dessus de 500 mètres, du Nan en amont de Cognin, la rive gauche de l'Isère (jusqu'à la Bourne) au-dessus de 500 mètres, de la Bourne en amont de Pont-en-Royans, de la Vernaison, de la Lyonne (rive droite, jusqu'aux Rochats inclus), du Haut Cholet, du ruisseau d'Archiane en amont de Menée, les hauts bassins de la Meyrosse, de la Donnière, du Pellas.

Grand Veymont
2 341m

Cluses préalpines
Cluse d'Arve    

Cluse d'Annecy    
Cluse de Chambéry    
Cluse de Grenoble    
Sillon alpin
Altitude moyenne 997 m
Dépression subalpine et vallées subalpines
3940 km² (avec les cluses préalpines)
  Faucigny  

1 254 m
(superficie 260 km2)

Bassin de l'Arve depuis le Pont- Sainte-Marie (prise d'eau des Chavants) jusqu'à Cluses (confluent du ruisseau d'Araches inclus), en laissant de côté les bassins du Bon-Nant et de la Diosaz

 
Bassin de Sallanches (abords du col d'Anterne)    
Haut-Arly    
Bas-Arly    
Combe de Savoie    
Grésivaudan    
Grenoble    
Bas-Drac    
Gresse-Drac  

1 072 m

Matésine  

1 071 m

Trièves
 

1 108 m

Beaumont    
Champsaur - Valgaudemar  

1 426 m

Massifs Centraux du Nord
1401 km² 
Altitude moyenne 1 922 m   
Bandes de roches cristallines d'âge ancien, au moins du paléozoïque,
qui portent à l'arrière des Préalpes les plus hauts sommets
Aiguilles Rouges    
Mont Blanc

286,5 km2

2 556 m
(superficie 255,6 km2)

Uniquement le versant français : bassin de l'Arve, rive gauche, en amont de la prise d'eau des Chavants; bassin du Bonnant (rive droite) au-dessus de 1000 mètres, haut bassin du torrent des Glacier

Mont Blanc
4 808,72 m

Beaufortin

244 km2

 
Grand Arc – Lauzière    
Sept Laux (massif)

579 km2

1 408 m

entre l'Arc, les vallées du Glandon, de l'Eau d'Olle, le pas de la Coche et les vallées de Grésivaudan et Combe de Savoie

Rocher Blanc
2 927 m

  Grandes Rousses

203,4 km2
17 km de long
8 km de large

2 203 m

Bassins de l'Arvan en amont de Chambon, de l'Eau d'Olle (rive gauche) jusqu'à la Grande- Maison, du Flumet au-dessus de 1000 mètres, de la Sarenne au-dessus de 1000 mètres, du ruisseau de la Valette en amont de la Salse

Pic de l'Étendard
3 464 m

  Taillefer (gradin supérieur)  

1 650 m

   
Belledonne  

1 433 m

  Écrins-Pelvoux  

2 279 m

   
    Intermédiare entre Massifs centraux du Nord et zone intra-alpine du Nord

Terme de passage entre les massifs centraux autonomes
et les authentiques domaines intra-alpins que sont la Tarentaise et la Maurienne

 
Oisans

1077 km2

   

Zone Intra-alpine du Nord
4937 km²
Altitude moyenne 2 002 m

Berceau Tarin    
Basse Tarentaise    
Haute Tarentaise

2 639 m

Vanoise  

2 470 m

La Grande Casse
3 852 m

  Basse Maurienne        
Moyenne Maurienne    
  Haute Maurienne  

2 686 m

   

LES ALPES FRANÇAISES DU SUD (ALPES DU SUD)

18656,5 km²
Altitude moyenne 1 220 m

 

Préalpes françaises du Sud
11700 km²
Altiude moyenne 992 m
Bandes longitudinales extérieures du nord du Diois à la Méditerranée
Roches majoritairement d'âge secondaire (mésozoîque) jurassique supérieur et crétacé
Bochaine    
 
Diois    
Baronnies    
Mont de Vaucluse et Gradins de Forcalquier    
  Dévoluy  

1 658 m

 

Grande tête de l'Obiou
2 789 m

Partie septentrionale des Préalpes de Digne    
Partie méridionale des Préalpes de Digne.
Plateau de Valensole. Basse Durance alpestre
   
 
Préalpes de Grasse    
  Préalpes de Nice        
Bas Var (dépression)    
Régions ou vallées méso-alpines du Sud
3 379,7 km²
Altitude moyenne 1 232 m

Dépression subalpine et vallées subalpines

Moyenne Durance    
Alpes maritimes  

1 224 m

Massifs centraux du Sud
Altitude moyenne 1 804 m
Roches cristallines pour l'amygdaloïde de l'Argentera
présence d'une zone de flysch (Grés, schistes, calcaires éocènes) entre Pelvoux et Argentera
  Mercantour-Argentera  

1 795 m
Versant français du Mercantour

 

Cima Sud Argentera
3 297 m

  Ubaye - Embrunais  

1 783 m
Embrunais

1 858 m
Moyenne Ubaye

   
Zone intra alpine du Sud
Altitude moyenne 2 198 m
Haut Embrunais

406 km2

1 984 m
(superficie 358,4 km2)

Bassin de la Durance, de la Bessée à Montdauphin, moins le bassin du Guil en amont de Montdauphin

Pointe de l'Aiglière
3307 m

Haute Ubaye

938 km2

2 331 m
(superficie 358 km2)

Bassin de l'Ubaye en amont de Condamine- Châtelard

Aiguille de Chambeyron
3 411 m

Queyras

526 km2

2 147 m

Bassin du Guil à Montdauphin, moins le bassin du Chagne

Pics de la Font Sancte
3 385 m

Briançonnais

857 km2

2 183 m

Vallées de la Gyronde (Vallouise), de la Guisanne, de la Clairée, de la Cerveyrette. Ensemble du bassin de la Gyronde et de la Durance en amont de la Bessée

Pic de Rochebrune
3 321 m

VERSANT PIÉMONTAIS

Partie septentrionale des Alpes piémontaises    
Partie centrale des Alpes piémontaises    
Partie méridionale des Alpes piémontaises    
           
           

Ce que Blanchard et les géographes appellent Préalpes (Préalpi en italien, Voralpen en allemand), correpond aux chaines subalpines (massifs subalpins) des géologues et désigne la frange extérieure montagneuse des Alpes françaises qui va du lac Léman à la Méditerranée.

Il y eut une petite polémique sur ce terme au début des années 1920.

En effet voici une note du géologue W. Kilián sur la revue de géographie alpine (1922) qui « fait remarquer combien il est regrettable qu'un certain nombre de géographes appliquent avec persistance dans des travaux récents, par ailleurs fort remarquables, la désignation de Préalpes à l'ensemble des chaines calcaires qui forment la zone extérieure des Alpes françaises » contrecarré par E. De Martonne qui répond « J'ai le grand regret de n'être pas d'accord avec notre éminent confrère, qui s'élève contre l'emploi du mot Préalpes, dans le sens où je m'en sers moi-même.»

Voici la position de Raoul Blanchard :

« Le terme de Préalpes est si simple, si clair, si compréhensif, que s'il n'existait pas il faudrait l'inventer.

Les géologues ont pris l'habitude de désigner sous ce nom, dans les chaînes extérieures, uniquement les éléments charriés. Ils rangent donc uniquement sous ce nom, en France, le massif charrié du Chablais, ainsi qu'une partie des Alpes-Maritimes, et réservent aux autres montagnes extérieures le nom de chaines subalpines, créé par Ch. Lory. La conception géologique et l'emploi géographique du terme Préalpes ne sont donc pas identiques, et il peut en résulter, a dit M. Kilián, « des confusions inutiles et nuisibles aux progrès de la Science ». Or il serait facile de montrer tous les avantages du terme Préalpes sur celui de chaines subalpines. C'est ce que nous voudrions en effet rapidement montrer.

D'abord, pour les géographes, il est nécessaire de posséder un terme qui désigne l'ensemble des chaînes extérieures, charriées ou non, car les traits géographiques du Chablais, par exemple, sont remarquablement semblables à ceux des massifs autochtones qui lui font suite au Sud. Or, tandis que le mot de Préalpes est la clarté même et s'applique admirablement à toutes ces montagnes, quelle que soit leur origine, le terme subalpin prête fâcheusement à confusion.

Subalpin, qui après tout signifie littéralement sous les Alpes, ne devrait dès lors s'appliquer qu'aux régions situées en avant de la chaine, et à son contact ; c'est dans le même sens qu'on dit subpyrénéen à propos du haut plateau d'Armagnac. Dans les Alpes, c'est au Chambaran, c'est au plateau de Valensole, que cette désignation irait le mieux. D'ailleurs, dans la nomenclature phytogéographique, subalpin est employé dans un autre sens encore, pour désigner la zone de végétation inférieure à celle de la prairie alpine, et c'est là l'occasion d'une autre possibilité de confusion.

Après mûre réflexion, il nous a paru impossible d'attribuer aux chaines extérieures, au Nord et au Sud de la chaine, un autre nom que celui de Préalpes.»

Le « Sillon alpin » est la grande dépression qui circule tout le long des Alpes du Nord que les géologues appelaient « sillon subalpin »

Les massifs situés plus à l'est que les géologues distinguent généralement par leur faciès et métamorphisme sont regroupés en deux sous-ensembles : les « massifs centraux » et la « zone intra-alpine ».

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UTILISATION DU DÉCOUPAGE BLANCHARDIEN POUR L' ATLAS OROGRAPHIQUE SOIUSA

SUDDIVISIONE DELLE ALPI FRANCESI - SUBDIVISION DES ALPES FRANÇAISES

Sergio Marazzi auteur de la SOIUSA combine, pour son atlas orographique, les travaux de Raoul Blanchard et la partie dédiée aux alpes occidentales de l'ouvrage de Roger Frison-Roche "Les montagnes de la terre", pour extraire uniquement les massifs de montagnes qu'il classe en 4 sections et 34 regroupements.

Critique sur la méthode :

Dans l'Atlas orographique, Mr. Marazzi reprend la méthode qui consiste à s'appuyer sur les études de plusieurs auteurs différents dans le but de faire une synthèse en tentant de les mettre d'accord. Il reprend là une idée déjà utilisée en son temps par le géographe Antonio Renato Toniolo dans un article publié par l'IGM (Istituto Geografico Militare) de Florence, "Revisione critica delle partizioni del Sistema alpino occidentale" qui valut à l'époque une critique incisive de Raoul Blanchard dans un autre article de la Revue de géographie alpine de 1925 "Les divisions des Alpes occidentales ".

Blanchard (extrait critique sur le travail de Toniolo):
«... le travail est avant tout d'ordre historique; il s'agit d'une révision critique des différentes divisions proposées par un grand nombre de savants, et d'une tentative de les mettre d'accord. J'avoue que je ne puis accepter, d'un point de vue géographique, pareille méthode pour résoudre le problème. Il me parait que ce n'est pas en s'appuyant sur des auteurs, d'ailleurs fort respectables, que l'on peut distinguer une région d'une autre...»

On distingue sur la carte ci-dessous que les limites des massifs alpins sont dessinées pour être conforme aux critères spécifiquement orographiques de la SOIUSA*, et bien que la nomenclature soit respectée ces mêmes critères s'éloignent des limites fixées par Raoul Blanchard pour qui les Alpes françaises sont d'abord et avant tout une « région naturelle ». Ces limites ou frontières s'appuient sur les lignes de partage des eaux et les falaises bordières, et permettent de constituer des unités basées soit par des massifs entourés de vallées profondes ou à partir du bassin versant d'un cours d'eau.

Blanchard (extrait critique sur le travail de Toniolo):
«...l'auteur prend toujours pour limites de subdivisions, des rivières. L'unité géographique, dans les Alpes, lui parait être le massif. Cela est vrai pour certaines unités vigoureuses comme le Mont-Blanc, le Vercors; mais ailleurs, ce sont des vallées qui font l'unité. »

*Rappel des critères orographiques de la SOIUSA :

L'orographie du système alpin, comme tout système de montagnes, ne peut pas faire abstraction de son hydrographie. Par conséquent, les limites géographiques des massifs de montagnes sont constituées généralement, outre les pas, les cols, les dépressions, les vallées, les collines, etc. par des rivières, ruisseaux, lacs et glaciers, mais certainement pas par les crêtes de partage des eaux, comme c'est généralement le cas pour les frontières entre les états et des autres subdivisions politico-administratives.
Ensuite, les groupes et les sous-groupes (constitués de tronçons de chaînes de montagnes, à partir des nœuds orographiques ou de contreforts) sont généralement compris entre deux cols ou un col et le fond de vallée ou bien d'un contrefort collineux se dégradant sur les plaines ou les plateaux bordant le système alpin.

Extrait de l'"Atlante orografico delle Alpi. SOIUSA" avec l'accord de l'éditeur Priuli e Verlucca, editori.
Estratto dall'«Atlante orografico delle Alpi. SOIUSA» di Sergio Marazzi © 2005, Priuli e Verlucca, editori, per gentile concessione dell'Editore.

ar PRÉALPES DU NORD        
A.1 Chablais        
A.2 Faucigny-Giffre        
A.3 Bornes-Aravis        
A.4 Bauges        
A.5 Chartreuse
       
A.6 Vercors        
           
B. ALPES DU NORD        
  Massifs cristallins centraux        
B.1 Aiguilles Rouges        
B.2 Mont Blanc        
B.3 Beaufortin        
B.4 Grand Arc – Lauzière        
B.5 Sept Laux        
B.6 Belledonne        
B.7 Grandes Rousses        
B.8 Taillefer        
B.9 Écrins-Pelvoux-Oisans        
B.10 Champsaur-Valgaudemar        
  Zone intra-alpine        
B.11 Tarentaise        
B.12 Vanoise        
B.13 Maurienne        
           
C. PRÉALPES DU SUD        
C.1 Dévoluy        
C.2 Diois        
C.3 Baronnies        
C.4 Ventoux-Lure-Vaucluse        
C.5 Luberon        
C.6 Préalpes de Digne
       
C.7 Préalpes de Grasse        
C.8 Préalpes de Nice        
           
D. ALPES DU SUD        
D.1 Briançonnais        
D.2 Embrunais        
D.3 Gapençais        
D.4 Queyras        
D.5 Ubaye-Parpaillon        
D.6 Alpes maritimes        
D.7 Mercantour-Argentera        
           

Divisions-Subdivisions-Références bibliographiques

Les Alpes occidentales (Alpes françaises) 1938-1956
7 tomes en 12 volumes :
T.1 : Les Préalpes françaises du Nord. 1938.
T.2 : Les Cluses préalpines et le Sillon alpin. 1941, 2 vol.
T.3 : Les Grandes Alpes françaises du Nord. Massifs centraux, zone intra-alpine. 1943, 2 vol.
T.4 : Les Préalpes françaises du Sud. 1945, 2 vol.
T.5 : Les Grandes Alpes françaises du Sud. Moyenne-Durance, Alpes maritimes, massifs centraux, zone intra-alpine. 1949, 2 vol.
T.6 : Le versant piémontais. 1952, 2 vol.
T.7 : Essai d'une synthèse. 1956.

La région des Alpes françaises. Étude économique. Grenoble, Ch. Commerce, 1923.
Les Alpes françaises. 1925. 2e édit., 1929. 3e édit., 1934. 4e édit., 1941. 5e édit, 1947. 6e édit, 1952.
Les Alpes et leur destin. Paris, Fayard, 1958.

Études, notes :
La structure des Alpes. Recueil des travaux de l'institut de géographie alpine. 1915 Volume 3 - p.163-227.
La région économique des Alpes françaises (Action nationale, 1918, t. II, p. 28- 40)
Altitude moyenne des régions naturelles des Alpes françaises, dans "Recueil de travaux de l'Institut de géographie alpine", 1919.
Le terme de Préalpes. Revue de géographie alpine. 1922. Volume 10 - pp. 311-313
Sur les noms des régions naturelles des Alpes françaises. Revue de géographie alpine. 1924, Tome 12 - p.455-462.
Blanchard Raoul : Je découvre l’Université. Douai, Lille, Grenoble, Paris, Fayard, 1962, p. 105.
Raoul Blanchard : dire et faire les Alpes. Revue de géographie alpine. 1994, Tome 82 N°3. pp. 81-94. (Philippe Veitl - Bernard Debarbieux)
Différenciation et désignation géographique des objets alpins : six manières de faire In: Revue de géographie alpine. 2001, Tome 89 N°4. pp. 43-65.

Bibliographie complète